Bilan de stage.
Dernière mise à jour : 8 sept. 2022
"The funny thing about change - and actively pursuing it - is that it never unfolds quite like you think it will.” (Jocelyn K. Glei dans son podcast Hurry Slowly - lien en bas ).

Hier, j’ai fait mon bilan de stage au téléphone avec Siham, après 6 mois passés chez Génération XX.
Trucs concrets :
En mai dernier, je m’attendais à travailler pour un podcast sur des femmes entrepreneures : apprendre comment on gère un podcast, préparer et faire la communication des épisodes, participer à des évènements où je rencontrerais des gens incroyables, etc … Je crois que j'attendais surtout du stage une bonne dose d'inspiration et d'encouragement à suivre ma propre intuition.
J’ai appris à rédiger des newsletters un peu personnelles et incarnées, à préparer des interviews (et à trouver des vraies questions), à animer une communauté. La communication est le nerf de la guerre et je me suis rendue compte que ce n'est pas du tout évident de s'exprimer sur les réseaux sociaux de manière personnelle, créative, inclusive… Trouver un filon où l’on est original, pertinent, et vraiment utile, demande beaucoup de travail et de réflexion.
J’ai un peu dépassé ma phobie de la logistique ( si bien que Siham m’a dit que j’avais l’air à l’aise et ça, ça m’a vraiment fait plaisir) et du commercial (je partais de loin). J’ai appris à créer des visuels clairs et jolis - une activité assez sous-estimée et qui pourtant demande quelques skills.
Ce stage, c’était aussi le hors-série papier « à l’écoute », les lectures et relectures des articles, des débats de fonds passionnants sur la structure et la ligne éditoriale du magazine, se mettre à tout réécrire frénétiquement en écriture inclusive pour abandonner quelques heures plus tard, se poser 1000 questions de logistique, rencontrer les journalistes, appeler 200 fois la Poste, étiqueter et emballer 700 magazines dans le salon de Siham ( = l’entrepôt de Génération XX), et, enfin, recevoir des stories du hors-série depuis le monde entier.
Quant à l'inspiration, je l'ai eu. Comme je l'ai écrit dans un petit texte pour "Humans of Génération XX", ce podcast m'aura encouragée à me confronter à mes véritables envies et chercher mon propre chemin, malgré la flemme, les peurs et cette honte qui peut surgir à tout moment.
Retour aux sources
Ces dernières années, j'étais un peu obsédée par l'objectif de devenir artiste, ce dans quoi je ne me reconnais pas complètement. Et honnêtement, ça m'a toujours un peu troublée que les gens de mon entourage me voient comme une artiste, même si l'idée me faisait plaisir. Au fond, tout ça sonnait un peu faux. Ce n'était ni complètement délirant, ni tout à fait exact. J'étais un peu perdue dans mon école de commerce et je me suis réfugiée dans un projet radicalement opposé : l'expression artistique. J'allais vivre d'amour, de dessin et de théâtre. Il y a quelque chose de rassurant dans le fait de se construire dans l'opposition, mais ça peut devenir enfermant aussi.
Lors de ma deuxième partie d'année de césure, j'ai choisi de consacrer quelques mois au dessin. Petit à petit, je suis devenue triste. Etait-ce dû à la solitude, à la pression que je me suis mise à "produire", au fait que je pouvais rester en pyjama toute la journée ? Je ne sais pas exactement, mais je n'étais pas très heureuse et j'ai sûrement ressenti de la déception et de l'angoisse à l'idée de ne toujours pas trouver ma place.
En septembre, en parallèle de mon stage, j'ai commencé une formation professionnelle de théâtre. J'allais au bureau de Génération XX le matin, j'avalais un sandwich à midi et j'enfourchais mon vélo à 12h30 pour arriver à l'heure à mes cours. Ces deux mois étaient très stimulants, j'ai fais des nouvelles rencontres, lu des pièces, découvert un peu plus le monde et la culture des comédiens. Mais je n'ai pas particulièrement aimé être sur scène et je réalise maintenant que j'ai passé deux mois à fuir le regard des autres, calfeutrée dans les fauteuils du fond, dans le noir. Je me rappelle seulement avoir adoré écrire et lire un texte dans le cours de la douce et brillante Anne Barbot qui nous avait demandé de raconter une action militante. Je me suis sentie plus à ma place.
Ces derniers mois, grâce à mon stage et à la compagnie de Siham, j’ai réalisé à quel point j’aimais « perdre mon temps » à lire, regarder des vidéos, des films et des documentaires. J'ai toujours aimé lire mais je m'en empêchais un peu ces dernières années pour avoir du temps pour produire, dessiner, me sentir active, bosseuse, responsable. Aujourd'hui, je sens que j'ai envie de ralentir cette frénésie de production pour m'écouter, me nourrir intellectuellement et donner du sens à ce que je crée. J'ai lu « Conversations with friends » de Sally Rooney pendant le confinement et j'ai adoré. Le personnage principal est une jeune étudiante, littéraire, sensible, lucide, très ironique. ( J'aimerais beaucoup qu'on me voit comme ça ).
Je glisse un petit bout d'interview de la romancière et dessinatrice Rachel Eliza Griffiths (je suis tombée dessus par hasard, je ne connais pas son travail) : "I create things every day but it’s not about everything having to be a product or for somebody else’s experience. I would like to believe that my inner life is a spectrum of progressive transformations and experiments, rather than overly transactional. For me, creating and sustaining a private space where I allow myself to rest, to read, to cook, to play music, and to risk new turns of language and imagery where I have no idea how to be wrong or right, is part of the calling."
La bonne nouvelle, comme me disait ma copine Eugénie, c'est qu'on a vraiment la possibilité de ne pas choisir une case, aujourd'hui. Je compte reprendre le théâtre avec ma troupe, j'ai très envie de peindre de la vaisselle, j'aime toujours autant les couleurs, les motifs et les illustrations. J'ai recommencé l'aquarelle pendant le confinement (grâce à mon stylet d'ipad qui est tombé en panne) et c'était tellement kiffant de retrouver le grain du papier et cet état de concentration, de pleine conscience, dans lequel le dessin me met. Mais j'ai aussi besoin de quelque chose de plus intellectuel, sobre et direct, pour m'exprimer. Quand certains ont besoin de crayons ou de notes de musique pour exprimer leur vision du monde, rien ne me paraît plus naturel que les mots.
Bye !
Ressources :
L'épisode "Letting go isn't easy", du podcast "Hurry Slowly" de Jocelyn K. Glei. Elle nous y raconte qu'après une retraite de 19 jours, seule et sans distractions, elle a abandonné son rêve d'écrire un scénario. Rêve auquel elle s'accrochait depuis 20 ans mais qui était devenu un peu toxique et la faisait plus se sentir coupable qu'autre chose. J'aime beaucoup cette phrase de l'autrice Christine Downing, citée dans l'épisode : " The truth that will give us back a lost part of ourselves is also the one that takes away a self to which we have been deeply attached."
"Growth", un texte de Garance Doré où elle parle de la difficulté qu'elle a éprouvée à trouver sa place, de dépression et de devenir adulte. " J’ai toujours ressenti de l’inconfort à suivre les schémas établis mais étant douce et obéissante à la fois, cette dichotomie me faisait souffrir. Je souffrais de ne pas me sentir à ma place, constamment. Tellement que j’avais fini par l’accepter. Je pensais que c’était ça, vivre. Essayer de coller aux idées de bonheur toutes faites. Il a fallu que ça culmine en ces quelques années de désespoir, à sourire alors que je pleurais à l’intérieur – jusqu’à ne plus avoir aucune idée de qui j’étais… Et que ça finisse en dépression."
Cet entretien de Li Jin sur la "Passion Economy". Trop trop intéressant !! (Et j'avoue que ça me rassure, je me dis que je suis pas complètement naïve ) Extrait : " Les industries créatives regorgent de gens qui sont passionnés par leur métier. Et dans le monde de l’art en particulier, nombreux sont ceux qui choisissent la passion plutôt que la rémunération. Le parallèle va se retrouver selon moi au niveau de l’expression de l’imagination et de la créativité d’une personne. Les produits issus de la passion economy ont quelque chose d’unique. Tout comme une œuvre d’art est révélatrice de la personnalité de l’artiste, ceux-ci vont refléter la personnalité de leur créateur. Et cette dimension identitaire compte beaucoup dans l’épanouissement des individus. Cela vient d’ailleurs s’inscrire en opposition directe à l’approche “Uber for X” qui a cette tendance à considérer un prestataire comme une commodité".
"Thoughts of being a person that moves again and again" : dans une mini-bd de 10 dessins, l'artiste américaine Tara Booth explique son besoin fréquent de déménager à ceux qui insinuent qu'elle fuit quelque chose. (Extraits ci-dessous). Je l'adore.
Merci d'avoir lu jusque là ! N'hésitez pas à me répondre si vous avez envie ! :-)